Les témoignages d’adultes

Pourquoi je ne me drogue pas ?

“C'est une question que je ne me pose plus trop, tant la réponse est enracinée en moi. Quand j'étais au collège et au début du lycée, j'ai toujours refusé de fumer quand on m'a proposé de prendre ne serait-ce qu'une taffe, parce que je voulais être un vrai sportif qui ne prend rien. A l'époque je faisais plusieurs heures de rugby par semaine. Au fond, j'avais sans doute aussi peur de la réaction de mon corps au produit, car nous sommes tous inégaux face à la drogue.

Et puis, en terminale, j'ai retrouvé un de mes anciens bons amis de collège que je n'avais pas revu depuis. Lui qui était si jovial, drôle et dynamique était devenu complètement apathique, sans motivation, ni désir. Il avait redoublé et avait changé trois fois de lycée. Il s'était surtout mis à fumer quotidiennement des joints. Cela a commencé à me faire prendre conscience de la dangerosité de cette drogue qu'avec hypocrisie et mensonge certains osent appeler « drogue douce ».

C'est à ce moment que j'ai décidé de me former auprès d'enfance sans drogue.

Plus récemment, j'ai passé quelques jours dans un centre d'abstinence pour toxicos. Cette expérience m'a conforté dans mon rejet du cannabis. J'ai particulièrement été marqué par les discussions que j'ai pu avoir avec chacun d'eux. Ils m'ont raconté leur « vie d'avant ». J'ai entrevu la plus basse misère de l'humanité, ce qui arrive quand on ment aux jeunes en leur faisant croire que le cannabis est bénin, quand on laisse lâchement des personnes mourir à petit feu au bord du chemin. J'ai une grande compassion pour les drogués, mais aucune pitié face au cannabis.

Je n'ai pas eu besoin d'en voir plus pour comprendre que le shit c'est de la merde. (Nul besoin d'être bilingue pour comprendre cette évidence.) Je suis intimement convaincu que les jeunes, quels qu'ils soient, ont d'incroyables ressources dont la société doit bénéficier. J'ai été extrêmement touché par cette question que l'on nous avait adressé au lycée : « Qui es-tu pour priver le monde de ce que tu as de meilleur à lui offrir ? »

On ne dira jamais assez que le cannabis est responsable d'incroyables pertes pour la société. Nous ne répèterons jamais assez que le shit, c'est de la merde.”

Jean,20 ans, étudiant en
école de commerce

C’était un après-midi, quelqu’un a amené
de la cocaïne et j’ai goûté

"Je ne pensais pas que ça allait m'accompagner dans un trou noir, pour moi il n'y avait pas de danger.

On nous demande d'être le plus beau, le plus intelligent, de sortir jusqu'à très tard (...) Pour arrêter j'ai dû accepter mes faiblesses."

La drogue est un vrai frein, elle nous prend toute notre énergie, on pense que ça nous en donne, mais en fait ça nous en enlève" affirme Lolita Sene, auteur de C. La face noire de la blanche , Editions Robert Laffont, mars 2015. Elle raconte  sa première prise de cocaïne, à 19 ans, et comment elle s'est laissée prendre au piège de la drogue au quotidien, pour tenir le coup, alors qu'elle travaillait dans l'événementiel.

Lolita Sene est également l'auteur de Moi Juliette F : Le blog d'une génération cokée. Son livre sorti en mars 2015 en est la continuité. On y retrouve le personnage de Juliette pour qui la cocaïne est omniprésente, une véritable béquille de confiance en soi. C. La face noire de la blanche montre à quel point la cocaïne s'est banalisée et combien la détermination doit être grande pour s'affranchir de cette drogue et redonner un sens à sa vie.

Ma fille de seize ans qui est dans un bon lycée parisien
me dit qu'autour d'elle le cannabis est très présent

Elle ne comprend pas que personne ne vienne en aide à ses camarades de classe qui s'enfoncent de plus en plus dans leur solitude et qui pour certains ont déjà délaissé leurs cours.

Est-ce une pratique courante sur Paris et en province, avez-vous d'autres témoignages dans ce sens ?

Ritaline : témoignage d'une maman médecin

Ce qui me pousse à vous écrire, c'est une tristesse de cœur, tristesse de constater que nos enfants sont souvent introduits dans le monde de la drogue à leur insu.

J'ai consulté avec mon enfant de douze ans la pédopsychiatre réputée. Le motif de la consultation étant une démotivation et un désintérêt pour l'école manifesté par un manque d'attention. Après m'avoir fait préciser que mon fils C... ne tenait pas en place à la maison et se déconcentrait rapidement en classe, la pédopsychiatre s'est adressée directement à C... Elle lui a déclaré que lorsqu'il aurait des contrôles, il n'aurait qu'à prendre un comprimé d'un médicament "merveilleux" qui le "remonterait" en cas de fatigue et que s'il se sentait démotivé, il serait motivé et qu'il aurait la pêche et ne s'évaderait plus à ce moment dans ses rêves.

J'ai manifesté ma désapprobation mais rien n'y a fait, à ce moment elle ne s'adressait plus à moi. "Ce médicament est miraculeux " lui dit-elle, " mais il ne faut pas en parler aux copains et encore moins le partager... " Dès que nous sommes sortis mon fils m'a déclaré : " Maman ? c'est de la drogue qu'elle me propose ? " J'ai répondu : " oui "." Maman, il n'est pas question que j'en prenne. " " Non, bien sur ".

Mon enfant était à la fois rassuré et très inquiet de cette attitude. Il m'a demandé si des enfants acceptaient. J'ai répondu, oui et c'est comme ça que de nombreux innocents sont piégés par la drogue. " Bravo mon fils, tu as les pieds sur terre contrairement à ce que pensait cette femme médecin. Heureusement que tu t'agites vite devant ce que l'on t'a proposé. " Ma réaction ? Si l'enfant ne s'accroche pas aux cours, il peut se scotcher avec une Ritaline et un tranquillisant : ce qui était prescrit à mon fils. Je me permets de vous signaler cela parce que je suis médecin et j'ai bien conscience que nous sommes désarmés parfois. Je remarque que trop de nos enfants sont vite "soignés" avec des tranquillisants qui ne tranquillisent que le médecin. Rappelons le motif de la consultation : démotivation et désintérêt à l'école manifestés par un manque d'attention. La conduite thérapeutique proposée est la méthylphénidate chlorhydrate. Même si c'est bien un psychostimulant, c'est un stupéfiant. C'est à dire du même mondepharmacologique que certaines drogues ! C'est une amphétamine comme l'ecstasy!!! Et ces thérapeutiques démotivent, abîment la personnalité...

C'est un médecin avec un cœur de maman qui veut vous avertir de ce danger. La Ritaline est trop souvent l'apanage des "traitements" des enfants hyper actifs, précoces ou qui gênent. Aux Etats Unis on devient plus réticent sur cette prescription. Ne laissons pas nos enfants prendre des tranquillisants, des dopants pour telle ou telle circonstance. Si l'on est déprimé, fatigué, n'y a-t-il pas d'autres solutions pour vaincre ces symptômes ? Sommes-nous les nouveaux esclaves de toute une thérapeutique féodalisante qui nous inhibe, qui nous évite la communication et nous fait perdre notre dignité ?

Les grands parents ont leur mot à dire

 Nous avons la chance d'avoir cinq petits enfants en bonne santé. Il y a deux ans nous apprenons par Guillaume, qui a dix-sept ans, que sa cousine de quinze ans prend du cannabis régulièrement. Au lieu de faire l'autruche, mon mari qui a toujours été le conseiller de la famille, s'est attaqué au problème. Il est allé se former à Enfance Sans Drogue et a informé toute la famille.

D'abord individuellement avec chacun de nos petits-enfants, enfants et beaux enfants, puis en groupe, nous avons revu en détail les informations sur la drogue. Les plus réticents à notre grande surprise ont été les parents. Notre petite fille a non seulement arrêté de se droguer mais elle aide des amies à se tourner vers autre chose. Je pense que mon témoignage peut aider des grands parents à entrer dans l'action, il n'y a que le premier pas qui coûte, ensuite les choses se font d'elles mêmes.

Aider par mon témoignage : une maman

Un de mes enfants est passé entre 14 et 17 ans par une période de consommation fréquente, voire intense de cannabis. Les parents sont les derniers informés, les gens qui savent que votre enfant consomme (camarades, parents de camarades, professeurs) ne vous en informeront pas et les adolescents pratiquent la loi du silence. Une véritable amie est venue me parler dès
qu'elle a été au courant. Plus tard j'ai appris que certains parents savaient depuis plusieurs années que mon fils consommait, ils n'avaient pas jugé nécessaire de m'en informer, c'est de la non assistance à personne en danger.

Sachez aussi qu'un enfant qui se drogue devient menteur.

Votre candide petit garçon, si droit, vous ment, et parfois (souvent) vous vole. La drogue lui fait perdre les notions de bien et de mal, et le rend très ingénieux en matière de dissimulation, le fait de le bombarder de questions, de fouiller sa chambre, ne sert pas à grand chose. En revanche, dites lui (si bien sûr c'est vrai)
"je sais que tu te drogues" et vous le verrez peut-être s'ouvrir, soulagé que vos yeux se soient enfin dessillés... S'il vous tient des discours sur le cannabis, produit "naturel", "beaucoup moins nocif que la cigarette ou l'alcool qui eux ne sont pas interdits parce qu'ils enrichissent l'Etat", soyez certains qu'il en consomme, et soyez prêts à répondre du tac au tac à ses arguments avec des informations précises et sourcées.

Persuadée que "fumer des pétards" donnait toujours les yeux rouges, j'étais à l'affût de ce signe, que je n'ai jamais vu. D'autres signes auraient dû m'alerter : soif permanente, toux, accès brefs et sporadiques de violence (que je mettais sur le compte de l'adolescence) chez un enfant par nature sidoux. La chute des résultats scolaires peut être la conséquence d'une consommation intense. Une chute de résultats accompagnée d'indifférence et d'incapacité à se projeter dans l'avenir est cependant un signe qui ne trompe pas.

Certains adolescents, consommateurs fréquents, réguliers mais non intensifs, ont l'impression de "maîtriser" la situation parce que leurs résultats scolaires se maintiennent. Il est important de dialoguer avec eux pour les alerter sur le caractère illusoire de ce sentiment de contrôle, sur les dangers pour leur santé et les risques de dérapage vers une consommation intensive (à la suite d'un chagrin amoureux, d'un deuil...)

Il est frustrant de s'entendre dire que la seule chose à faire face à un adolescent qui consomme est de lui dire "la drogue tue ; je t'aime ; je ne veux pas que tu te drogues" selon les mots de Marie-Christine d'Welles. Bien sûr, le plus efficace demeure la prévention. Mais quand un enfant a "basculé", oui, il faut lui dire et lui redire : "la drogue tue ; je t'aime ; je ne veux pas que tu te drogues", le décliner sur tous les tons, le conjuguer à tous les modes, le répéter, et surtout le détailler, l'argumenter. Et ça marche.

Parfois, un changement d'environnement qui coupe l'enfant du milieu de consommateurs dans lequel il s'est nécessairement plus ou moins enfermé peut aussi être salutaire. Les pères sont souvent démunis face au problème, les mères, séparées ou non, ont souvent le sentiment d'y faire face seules... Elles doivent s'efforcer de ne pas ajouter à l'anxiété et au stress de la situation
du ressentiment à l'égard du père de leur enfant !

Un jeune de 22 ans

J'ai consommé du cannabis à très forte dose pendant 4 ans, de temps en temps avec de l'alcool. Au bout d'un moment, je ne travaillais plus, je restais dans ma chambre, je ne voyais plus personne. Une personne de ma famille m'a donné un livre à lire C’est quoi la drogue de Marie-Christine d'Welles. Cela m'a fait l'effet d'une grande claque dans la figure, j'étais d'accord avec beaucoup de choses et c'est là que j'ai décidé d'arrêter de me droguer. Je me souviens de la dernière page. (ndlr : tableau des drogues psychotropes)

Virginie Despentes, écrivain , sur la cocaïne

C'est vrai que les premières fois c'est marrant. Baise-moi, on ne l'aurait peut-être pas fini sans coke, parce qu'on aurait peut-être mieux pris conscience de tout ce qui se passait autour, on aurait eu des sensibilités plus normales (...). Ça aide à tenir toute la nuit. J'ai écrit mon roman Les Jolies Choses en trois-quatre jours sous coke, ça débloque des trucs. Mais ça fait des petites montées rapides ; après, il faut en reprendre tout de suite et, au bout d'un moment, le cerveau est embrouillé (...).

Depuis deux ans, ça s'est vraiment répandu partout, dans les squats autant que chez les X-ENA, comme si c'était devenu dans la tête des gens au même niveau que le cannabis ou l'alcool. Si je veux en acheter, j'en achète tout à l'heure, de plein de façons. C'est plus facile à trouver que de l'herbe (...). Même chose en province ; avant, on n'en prenait pas beaucoup, à Nancy ou à Lyon ou à Rennes. Maintenant, quand je vais là-bas, je vois que les gens en prennent vachement : des profs, des assistantes sociales, des employés de l'ANPE, des avocats. On m'a dit qu'à Lyon, on en trouve dans les lycées publics (...).

Dans certains milieux, je suis sûre que huit personnes sur dix marchent à la cocaïne, et sont modifiées par la cocaïne. Mais elles ne le diront pas, parce que c'est la France. On est des cathos, on fait les choses, mais en loucedé (...). Un mec comme X... écrivain à la mode, ne va pas dire franchement combien il met dans sa coke. Si les gens connaissaient le budget coke de certains privilégiés et comparaient à ce qu'ils gagnent, ça leur dirait à quel point ils l'ont dans le cul. X... claque dix smic par mois dans sa coke. Mais il ne va pas
dire : je mets 10 000 euros dans la coke par mois et je vous encule... tous, personne ne peut l'entendre. En plus, dans ces milieux, on angélise complètement la coke. Mais, moi, je n'ai jamais vu quelqu'un que ça rendait brillant sur le long terme. La cocaïne, ça fait juste des cons arrogants, bavards, très sûrs d'eux, agressifs, paranos, certainement pas géniaux (...).

C'est une drogue qui t'inclut dans la société, une drogue de Blanc, politiquement très marquée. A la base, c'est la drogue des publicitaires, et les pubards, c'est des crevards. Faut pas aller chercher plus loin, les gens de pub, de télé, de presse, de cinéma, les politiques prennent de la coke, ce n'est pas un hasard (...). La cocaïne, pour tenir les gens, c'est super. Une fois qu'on est dans la cocaïne, tout ce qui compte c'est en racheter, donc on bossera dans n'importe quelle condition. On réfléchit moins, on bosse plus, on a besoin de plus d'argent. Moins de sommeil, beaucoup moins de réflexion, et plus aucune marge de rébellion, on va pas se rebeller alors qu'il te faut de la coke le lendemain. En plus, la coke brouille le jugement, donc si le chef a parlé, on va faire comme le chef a dit, parce que demain de toute façon il faut de la coke.

Des gens que je connaissais et que j'appréciais ne sont plus les mêmes, ils ont changé. Je vois même des gamins de 16 ans qui sont là-dedans, des fils de bourges (...). Les cas les plus désespérés que j'aie vus, c'était des filles, elles ont plus de problèmes à gérer que les mecs. Il doit y avoir un truc avec les œstrogènes et la coke, ça ne marche pas ensemble. Les femmes sont aussi plus vulnérables parce que ça fait mincir. Elles se disent : si j'arrête, je regrossis ; premier piège évident (...). Personnellement, je ne pense pas que j'en sois revenue, je ne suis plus pareille émotionnellement. Quelque chose en moi a changé, un équilibre chimique a été transformé : crises de larmes, nervosité (...). Je demande à voir le discours qu'on aura là-dessus dans dix ans, quand on commencera à payer les dégâts. Et pas seulement des attaques cardiaques sur des gens de 55 ans. On ne parle pas de toutes les sinistroses que ça va créer. C'est la drogue du suicide absolu (...).

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