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C'est vrai que les premières fois c'est marrant. Baise-moi, on ne l'aurait peut-être pas fini sans coke, parce qu'on aurait peut-être mieux pris conscience de tout ce qui se passait autour, on aurait eu des sensibilités plus normales (...). Ça aide à tenir toute la nuit. J'ai écrit mon roman Les Jolies Choses en trois-quatre jours sous coke, ça débloque des trucs. Mais ça fait des petites montées rapides ; après, il faut en reprendre tout de suite et, au bout d'un moment, le cerveau est embrouillé (...).

Depuis deux ans, ça s'est vraiment répandu partout, dans les squats autant que chez les X-ENA, comme si c'était devenu dans la tête des gens au même niveau que le cannabis ou l'alcool. Si je veux en acheter, j'en achète tout à l'heure, de plein de façons. C'est plus facile à trouver que de l'herbe (...). Même chose en province ; avant, on n'en prenait pas beaucoup, à Nancy ou à Lyon ou à Rennes. Maintenant, quand je vais là-bas, je vois que les gens en prennent vachement : des profs, des assistantes sociales, des employés de l'ANPE, des avocats. On m'a dit qu'à Lyon, on en trouve dans les lycées publics (...).

Dans certains milieux, je suis sûre que huit personnes sur dix marchent à la cocaïne, et sont modifiées par la cocaïne. Mais elles ne le diront pas, parce que c'est la France. On est des cathos, on fait les choses, mais en loucedé (...). Un mec comme X... écrivain à la mode, ne va pas dire franchement combien il met dans sa coke. Si les gens connaissaient le budget coke de certains privilégiés et comparaient à ce qu'ils gagnent, ça leur dirait à quel point ils l'ont dans le cul. X... claque dix smic par mois dans sa coke. Mais il ne va pas
dire : je mets 10 000 euros dans la coke par mois et je vous encule... tous, personne ne peut l'entendre. En plus, dans ces milieux, on angélise complètement la coke. Mais, moi, je n'ai jamais vu quelqu'un que ça rendait brillant sur le long terme. La cocaïne, ça fait juste des cons arrogants, bavards, très sûrs d'eux, agressifs, paranos, certainement pas géniaux (...).

C'est une drogue qui t'inclut dans la société, une drogue de Blanc, politiquement très marquée. A la base, c'est la drogue des publicitaires, et les pubards, c'est des crevards. Faut pas aller chercher plus loin, les gens de pub, de télé, de presse, de cinéma, les politiques prennent de la coke, ce n'est pas un hasard (...). La cocaïne, pour tenir les gens, c'est super. Une fois qu'on est dans la cocaïne, tout ce qui compte c'est en racheter, donc on bossera dans n'importe quelle condition. On réfléchit moins, on bosse plus, on a besoin de plus d'argent. Moins de sommeil, beaucoup moins de réflexion, et plus aucune marge de rébellion, on va pas se rebeller alors qu'il te faut de la coke le lendemain. En plus, la coke brouille le jugement, donc si le chef a parlé, on va faire comme le chef a dit, parce que demain de toute façon il faut de la coke.

Des gens que je connaissais et que j'appréciais ne sont plus les mêmes, ils ont changé. Je vois même des gamins de 16 ans qui sont là-dedans, des fils de bourges (...). Les cas les plus désespérés que j'aie vus, c'était des filles, elles ont plus de problèmes à gérer que les mecs. Il doit y avoir un truc avec les œstrogènes et la coke, ça ne marche pas ensemble. Les femmes sont aussi plus vulnérables parce que ça fait mincir. Elles se disent : si j'arrête, je regrossis ; premier piège évident (...). Personnellement, je ne pense pas que j'en sois revenue, je ne suis plus pareille émotionnellement. Quelque chose en moi a changé, un équilibre chimique a été transformé : crises de larmes, nervosité (...). Je demande à voir le discours qu'on aura là-dessus dans dix ans, quand on commencera à payer les dégâts. Et pas seulement des attaques cardiaques sur des gens de 55 ans. On ne parle pas de toutes les sinistroses que ça va créer. C'est la drogue du suicide absolu (...).